Tuesday, April 24, 2007

Nous Sommes Jeunes, Nous Sommes Fiers

Il y des livres qui nous manquaient. C’est une évidence qui m’a frappé dès les premières pages de ce Nous Sommes Jeunes Nous Sommes Fiers de Benoît Sabatier. En effet, 700 pages pour relater l’histoire de la culture jeune à travers la musique, c’est l’assurance de ne plus écouter idiot. Le sous-titre promet d’Elvis à Myspace. Et il tient cette promesse tant les derniers chapitres collent à l’actualité.

Un jeune en 1954, 1964 ou 2007, ce n’est vraiment pas la même chose. Et comme le jeunisme forcené est une des tendances lourdes de ces dernières décennies, brosser le portrait de toutes ces générations revient à radiographier la société occidentale. Car si tout le livre est truffé de références musicales, ce n’est pas d’une histoire de la musique pop dont il est question.

La grande force de ce livre, c’est la connaissance quasi encyclopédique de son auteur, Benoît Sabatier (rédacteur du très branchouille Technikart), et son remarquable travail de documentation. Autre qualité, ce n’est jamais passéiste. C’est qu’il est conscient que toutes les périodes d’euphorie ont généré de sévères gueules de bois. Dans la longue série des points forts, il prend souvent position, pouvant en une épithète donner son avis sur un groupe. Et il tombe rarement à côté. Je m’en voudrais aussi de ne pas indiquer qu’il n’a pas de tabous et que tous les sujets sont traités avec sérieux. Il est même particulièrement pertinent quand il décrypte le phénomène Madonna, les Boys Bands ou la Starac’. Pas de condescendance là-dedans, juste une remise en perspective, ce qui est assez fort pour des phénomènes aussi récents.

Mais ce n’est pas une œuvre savante et universitaire. Même si les nombreuses allusions aux situationnistes pourraient le faire croire (on m’a fait subir Vaneighem étant jeune, je constate seulement maintenant à quel point c’est une mauvaise idée). Non, c’est assez divertissant à lire. Il faut quand même énoncer quelques particularités de l’ouvrage. L’hypothèse de départ, c’est qu’après 1954 (les débuts d’Elvis Presley), tout a basculé en 1984. C’est l’année d’Orwell qui aurait marqué le tournant dans la culture de masse dont on subit encore les soubresauts. Pourquoi pas. C’est en tous cas argumenté. Comme le titre l’indique (ça ne me disait rien), le fil rouge est Taxi Girl. Non que je veuille dénigrer ce groupe culte français, mais par rapport à certains groupes importants, la place qui leur est consacré est assez disproportionnée. Je veux bien admettre que c’est exemplatif mais bon, passer autant de pages à décrire leur dernier catastrophique passage télévisé alors que des groupes comme The Cure ou The Smiths ont droit à une demi-page (sans parler de Led Zeppelin réglé en une demi-ligne) est assez vain. Dans le même ordre d’idées, les portraits de tous les junkies mondains de la charnière des années disco sont fouillés alors que l’intérêt me semble limite. Mais dans tous les cas, ça reste vivant et agréable à lire.

Le point de vue est évidemment très français. Ce qui amène à se dire que ce pays (le nôtre aussi hein) a été bien à la traîne, de l’erzatz yéyé à l’indigence punk. Prenez la chanson hexagonale des années ’70 et mettez ça en face de ce qui se faisait aux Etats-Unis ou en Angleterre et on a vite l’impression de voir évoluer deux planètes...

Vous l’avez compris, ce bouquin est une somme, vraiment indispensable et dont on se demande comment on a pu s’en passer. C’est un des trop rares ouvrages qui offrent à la fois une perspective historique et une analyse critique.

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